Les célébrations de la Parole, un espace ouvert, offert aux personnes des périphéries comme aux pratiquants réguliers
Le Concile Vatican II a défini la liturgie comme « source et sommet de la vie chrétienne« : C’est donc de la liturgie, et principalement de l’Eucharistie, comme d’une source, que la grâce découle en nous et qu’on obtient avec le maximum d’efficacité cette sanctification des hommes, et cette glorification de Dieu dans le Christ, que recherchent, comme leur fin, toutes les autres œuvres de l’Église. » (Sacrosanctum Concilium, n°10)
Pour un chrétien, la participation à la messe dominicale, loin d’être une obligation, est un acte décisif de sa vie de foi, un moment incarné d’éternité où s’offre la communion avec le Christ et avec les frères et soeurs rassemblés.
Mais quid des personnes non-baptisées ou ayant oublié de faire croître leur relation à Dieu tout au long de leur vie ? Depuis très longtemps, je pense que la messe n’est pas le lieu privilégié où ces personnes un peu ou très éloignées de la pratique religieuse et de ses codes peuvent faire l’expérience de la présence d’un Dieu proche qui se donne dans sa Parole et dans l’Eucharistie, et l’expérience d’une communauté fraternelle.
Plusieurs barrières expliquent que l’on ne trouve pas forcément bien sa place dans une messe « classique » (si un tel adjectif a du sens en parlant de la messe !) lorsque l’on appartient aux « périphéries du monde », ou même lorsque l’on est un paroissien plus « habituel ». Le fait que l’on puisse lire une pléthore de conseils pour ne pas s’ennuyer à la messe interroge à cet égard.
Une première barrière peut être constituée par le vocabulaire employé lors de l’Eucharistie, parfois obstacle à la compréhension fluide de ce qui s’y déroule. Pour quelqu’un peu au fait de ce vocabulaire spécifique, que signifient en effet les mots « prends pitié », « et avec votre esprit », « Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde », « sacrifice » (« que mon sacrifice qui est aussi le vôtre.. »).. ?
Bien sûr, après un parcours de foi et l’apprentissage de la langue liturgique, ces mots deviennent peu à peu intelligibles et parlent au coeur. Il est cependant à noter que si l’on demandait à des baptisés pratiquants le sens profond de certains de ces termes, certains seraient bien en peine de l’exprimer !
Ce vocabulaire se retrouve aussi dans les paroles de chants qui ne sont plus compris aujourd’hui, comme le « kyrie eleison », ou les chants en latin, notamment pour l’ordinaire (!) de la messe.
→ lors d’une célébration de la Parole, ces mots difficiles sont très peu présents (hormis le « prends pitié »). Le langage est compréhensible et en lien avec la vie. Il rend donc de fait plus attentif puisqu’il parle directement au coeur et à l’esprit.
Une deuxième barrière peut résider dans les textes de la Parole:
Il arrive que certains passages bibliques soient durs ou révoltants, par exemple lorsque l’on chante dans certains psaumes des appels à la vengeance de Dieu ou aux châtiments qu’on lui demanderait d’infliger à nos ennemis.
L’homélie n’offre pas toujours un espace pour entrevoir leur sens en les situant dans le contexte et en les expliquant de manière audible pour aujourd’hui.
Or, l’impossibilité de s’exprimer pour les personnes présentes peut être une difficulté car elles repartent alors chez elles avec une compréhension faussée ou révoltée du message biblique… faute de n’avoir pu verbaliser leur questionnement et, dans un échange, d’avoir pu avancer.
Enfin, une homélie déconnectée de la vie réelle, ou incompréhensible (ce qui arrive encore) ne permet pas de rendre vivante la Parole en soi.
→ lors d’une célébration de la Parole, après un temps de silence où l’on peut « respirer » et méditer à la fin de l’Evangile, s’ouvre le temps où l’on peut partager ses questions, ses incompréhensions, ses « pépites », après l’écoute de la Parole. Les textes bibliques deviennent ainsi Parole de Dieu pour nous, pour aujourd’hui, puisqu’ils sont mieux compris, actualisés et accueillis dans la foi.
Une troisième barrière est l‘absence de participation active d’une majorité des paroissiens, du fait de la routine ou du nombre de personnes présentes dans l’assemblée. En effet, hormis les animateurs de chants et les musiciens, les lecteurs, ceux qui préparent les prières universelles, la plupart des participants sont bien loin d’une «participation pleine, consciente et active » que l’on « doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie » (constitution sacrosanctum concilium, Vatican II).
Or, cette passivité est souvent cause d’un ennui qui paraît fou eu égard à ce qui est en train de se déployer dans le mystère de l’Eucharistie où le Christ se donne !
→ lors d’une célébration de la Parole, la participation de tous est recherchée, notamment par une dynamique de gestuelle (démarches proposées à plusieurs moments mettant en œuvre le corps). D’autre part, afin que chacun se sente acteur et non consommateur, de nombreuses tâches sont proposées, chacun s’investissant là où il est le plus à l’aise. A titre d’exemple, certaines personnes préparent des panneaux (visuel), d’autres apportent des fleurs, lisent, préparent la prière universelle, réfléchissent par écrit aux textes en amont, animent les chants, font de la musique, ou encore gèrent le temps convivial à la fin.
Une quatrième barrière me paraît résider dans les rites eux-mêmes, notamment dans le mouvement qui se déploie dans la liturgie et qui est forcément étranger à quelqu’un qui est un peu éloigné de la pratique religieuse. De plus, certains rites annexes sont hermétiques et difficiles à comprendre aujourd’hui, comme l’encensement.
→ Le déroulé d’une célébration de la Parole est fluide et chacun peut s’y retrouver sans difficulté, d’autant qu’une feuille est préparée pour chacun avec les différentes étapes.
Enfin, une cinquième barrière réside dans l’anonymat de certaines assemblées dominicales parfois très importantes, ou ayant un risque « d’entre-soi confortable » avec des sensibilités religieuses très marquées. Cet anonymat semble renforcé lorsque la messe ne peut plus être célébrée dans certains lieux et que les communautés paroissiales sont invitées à se rendre à droite ou à gauche pour participer à l’Eucharistie, avec un visage de l’assemblée qui change donc chaque semaine où il est difficile de s’intégrer.
→ du fait de la taille réduite (une trentaine de personnes) des célébrations de la Parole, chacun se sent accueilli et a/à sa place.
L’accent mis sur la beauté des chants, du visuel, des gestes, fait que les participants se sentent bien. Chacun peut partager une intention personnelle pendant la PU s’il le souhaite. Enfin, on se retrouve fraternellement pour un temps de rencontre conviviale (apéritif) à la fin de la célébration où les échanges se poursuivent.
N.B- Peut-être que pour certains, le fait de ne pas comprendre certains mots ou rites, aide à se sentir dans le « sacré »… ou qu’une certaine passivité est à leurs yeux le corollaire indispensable pour entrer dans la prière sans distraction. L’Esprit Saint soufflant où il veut, la messe peut être aussi le lieu de la Rencontre qui changera profondément le coeur de quelqu’un situé aux périphéries. Les mots de cet article ne se veulent donc absolument pas enfermants ni tranchés et il est bien sûr essentiel que les portes de nos eucharisties dominicales restent ouvertes à tous… Cependant, on peut noter sans polémique qu’il est souvent plus facile de consommer que d’être acteur et qu’une participation active n’est pas une agitation qui détournerait du silence et de la prière. Je crois profondément qu’elle peut en être le vecteur.
Et si les célébrations de la Parole dominicales pouvaient être l’un de ces lieux privilégiés où se rencontrent la présence de Dieu et la présence du frère, une alternative d’évangélisation missionnaire pour l’homme et la femme d’aujourd’hui ? Tout à la fois un tremplin vers une participation plus active et consciente à la messe, un aiguillon pour réveiller la foi de baptisés pratiquants en leur offrant un espace où l’on ne s’ennuie pas, où l’on est acteurs ?

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